L'angoisse de l'accouchement
Par Noëlla Jarrousse, sage-femme, sexothérapeute, conseillère conjugale. Rattachée à l'UGOMPS (Unité de Gynécologie-Obstétrique Médico-Psycho-Sociale) du CHU de Nantes, et au service d'oncologie médicale de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Auteur de plusieurs ouvrages, intervenante régulière dans les rubrique "Sexualité" et "Psycho" du magazine Santé Magazine.
Une peur ancrée dans les mœurs !
« Tu enfanteras dans la douleur ». Ce leitmotiv qui a traversé les âges, vous l'avez sûrement déjà entendu. La grossesse a souvent été synonyme de souffrance, et les récits, confidences ou secrets d'amies ou de mamans peuvent peut être vous faire angoisser !
La peur première reste la peur de l'inconnu. Même une maman sereine qui a vécu sa grossesse en toute tranquillité peut partir le jour J la peur au ventre en se demandant juste : « Est-ce que tout va bien se passer ? ».
Mais il est vrai que certaines conditions sont réunies pour nous angoisser un peu : que va-t-il se passer à la maternité ? Que va-t-on me faire ? Puis des questions sur l'après-naissance vous assaillent : comment vais-je me débrouiller avec ce bébé ? Serai-je une bonne mère ? Et mon couple, va-t-il souffrir de ce grand bouleversement ? Sans compter que se profile déjà, dès la grossesse, le passage du statut de femme à celui de mère : les deux sont-ils conciliables ?
S'interroger, c'est normal ! C'est humain !
On a peur... malgré la science
Une fois à la maternité, certains gestes médicaux pourront vous effrayer : épisiotomie, césarienne, péridurale... L'équipe médicale aura beau vous rassurer tout au long de votre grossesse, ces actes ne sont pas anodins !
Et parfois, des complications éventuelles peuvent toucher votre petit (prématurité, souffrance fœtale, transmission d'infections au moment de l'accouchement). Et bien sûr, la douleur, la championne toutes catégories des sources d'angoisse !
Affronter sa peur pour mieux la maîtriser
On ne vous reprochera pas d'avoir des idées noires, car malgré l'entourage rassurant, vous êtes la première concernée par ce grand bouleversement ! Un conseil ? Mettez noir sur blanc toutes les questions qui vous passent par la tête :
- Qu'est-ce qui me fait vraiment peur ?
- Est-ce que j'ai raison d'avoir peur ?
- Si oui, pourquoi ?
- Qu'est-ce qu'il y a de positif dans ma vie ?
Sortez des représentations négatives de l'accouchement et envisagez cette naissance comme un projet à part entière. N'écoutez pas votre entourage s'il a tendance à vous angoisser encore plus.
Cette petite introspection a pour but de vous aider à relativiser et de vous placer dans des conditions favorables pour envisager plus calmement et plus « sagement » cet accouchement.
L'angoisse vous paralyse toujours ?
Parlez-en autour de vous, à votre sage-femme, votre accoucheur ou votre médecin traitant.
Si les récits de grossesse et d'accouchement des copines ou de la famille vous angoissent, dites « non » : chacun a son histoire, à vous d'écrire la vôtre. Et attention aux nombreux témoignages sur Internet : parfois anxiogènes, ils ne feront qu'accentuer vos peurs !
Et si vous le souhaitez, vous pouvez même avoir recours à une prise en charge psychothérapeutique courte afin de dénouer les ficelles liées à cette peur de l'accouchement. Certaines angoisses, souvent liées à l'enfance, peuvent être résolues, ce qui vous permettra de vivre ce grand jour avec calme et sérénité, en ayant préparé le terrain et en vous sentant libre de toute attache ou lien psychologique.
Parlez également avec votre conjoint, car lui aussi peut se sentir angoissé, peut être encore plus que vous : il se sentira parfois inutile ou incapable le jour de l'accouchement, rassurez-le, ce grand jour, il le vivra aussi intensément !
Une angoisse qui peut laisser des traces...
Même après l'accouchement, des angoisses ou des peurs parfois irrationnelles peuvent perdurer.
La solution ? Une thérapie peut être envisagée. Elle passe la plupart du temps par la verbalisation (un récit complet de ce qui a pu être traumatisant dans votre histoire, au niveau de votre accouchement), et peut s'effectuer soit par des séances de sophrologie (désensibilisation de votre peur par la relaxation), de psychothérapie classique, psychanalyse ou thérapie cognitive et comportementale. Suivant l'étendue du traumatisme, ces séances pourront durer plusieurs mois.
Un accouchement mal vécu peut avoir des répercussions sur votre santé psychique. Et si l'attachement à votre petit ne vient pas immédiatement, ne vous alarmez pas. Le lien mère/enfant, contrairement aux idées reçues, n'est pas forcément inné. Ce petit être qui vient de naître, vous avez besoin d'apprendre à le connaître, même si vous l'aimez déjà.
Ce lien indéfectible s'acquiert de jours en jours, à mesure que vous apprenez à le découvrir.
Une astuce : endormez-vous le soir en vous visualisant accoucher extrêmement bien et visualisez-vous heureuse avec votre bébé ; répétez souvent l'exercice. Bonne chance !