[b:f7a0a58387][color=indigo:f7a0a58387][size=18:f7a0a58387]Réquisitions au-delà de la jurisprudence pour un accident mortel à Autun[/size:f7a0a58387]
Sept mois après l'accident qui a coûté la vie au petit Timeo Jacquemin, un enfant de deux ans et demi, l'émotion à Autun est toujours aussi grande. Des fleurs ont été déposées fréquemment sur les lieux du drame et hier, lorsque cette affaire a été appelée devant le tribunal correctionnel de Chalon, dans une salle d'audience archi-comble, juges et avocats ont eu bien du mal à refouler leurs larmes.
Rappelons brièvement les faits. Le 3 avril dernier, vers 10 h 40, M. Philippe de Champeaux de la Boulaye, 76 ans, retraité, demeurant rue Piolin à Autun, gare sa voiture dans la rue, près de chez lui, sur une place de parking où les voitures se positionnent perpendiculairement au trottoir. M. de Champeaux se gare en marche arrière. Ses roues arrière touchent le trottoir. Il avance un peu. Immobilise sa voiture. Met sa boîte de vitesse automatique sur la position parking. Laisse un peu le moteur tourner. Ote ses gants (il conduit avec des gants), les range sur le siège passager. Cela prend trente, quarante, cinquante secondes, pendant lesquelles le moteur continue de tourner. Puis il s'apprête à couper le contact, et avant cela, selon une habitude qu'il a depuis longtemps, il donne un coup d'accélérateur pour 'dégazer' le moteur. A ce moment-là, la voiture fait un bond en arrière, grimpe sur le trottoir et coince contre le mur le petit Timeo Jacquemin que sa maman était allé chercher, avec deux autres petits enfants, dans un centre tout proche.
M. de Champeaux, sur le coup, ne se rend pas compte du drame. Il met un certain temps pour se remettre en marche avant et dégager l'enfant. La maman du petit Timeo crie, frappe la voiture, se porte à la hauteur du conducteur pour lui demander d'avancer. Quand il avance, c'est trop tard. L'enfant est ensanglanté et il ne survivra pas.
A la barre, hier, M. de Champeaux a maintenu la version qu'il avait donnée lors de sa déposition à la gendarmerie au moment du constat. Il a dit être persuadé d'avoir positionné son levier de boîte sur la position 'parking'. Dans ce cas-là, la voiture ne peut ni avancer ni reculer, même si on accélère, car cette position enclenche automatiquement le frein.
Alors, comment expliquer le bond en arrière ? M. de Champeaux, un ancien de l'Aéronavale, manifestement familier des choses mécaniques, a parlé d'un possible dysfonctionnement de la boîte de vitesses. Selon lui, il aurait pu y avoir un enclenchement intempestif de la marche arrière. La voiture était assez ancienne, elle avait 180 000 kilomètres et, l'après-midi même de ce 3 avril, M. de Champeaux devait la laisser au garage pour prendre livraison d'une nouvelle voiture qu'il venait d'acheter.
Cette hypothèse du bogue possible de la boîte de vitesse ne fut retenue ni par la partie civile ni par le parquet.
Me Adida qui représentait les parents du petit Timeo, se dit surpris par 'un certain détachement de M. de Champeaux' aussi bien au moment de l'audience, hier, que le jour et sur les lieux du drame. Il n'a pas chargé outre mesure le prévenu sur la faute de conduite. C'est une faute évidemment beaucoup moins grave qu'un grand excès de vitesse, une conduite sous état alcoolique ou une circulation en sens interdit. Mais, pour l'avocat, c'est le comportement du conducteur au moment de l'accident qui est plus difficile à expliquer : sa lenteur à réagir, et son absence d'engagement pour venir au secours de la maman désespérée lorsqu'elle a trouvé son enfant ensanglanté.
Mlle Durnerin, procureur de la République, a développé des arguments sur le même registre : pour elle, M. de Champeaux d'abord a commis une maladresse, une imprudence, une faute, et ensuite n'a pas eu les réactions qu'il fallait avoir.
Dans une salle acquise à la famille de la victime, Me Sonia Halvoet, qui défendait M. de Champeaux se trouvait devant un challenge quasi-impossible à relever. A plusieurs reprises, des larmes étaient apparues dans les yeux des deux assesseurs du juge Vion qui présidait l'audience. Elle-même, l'avocate de la défense, ouvrit sa plaidoirie la gorge nouée. A la table de presse, l'émotion était identique. Et le regard du papa et de la maman, sur le banc des parties civiles, était impossible à soutenir.
Me Halvoet, ayant expliqué l'attitude un peu distante de son client par son éducation rigide, s'arrêta quelque temps sur l'hypothèse d'une défaillance de la boîte de vitese automatique. Elle rappela que la faute de conduite de M. de Champeaux est de l'ordre de 'l'impalpable', que n'importe quel conducteur peut faire une faute d'inattention de ce type, que tous les conducteurs ont commis, un jour ou l'autre, des fautes plus graves que celle-là. (Soyons honnêtes : elle n'a pas tort).
Bien sûr, dit-elle en conclusion, faute il y a. Et cette faute a abouti à un homicide involontaire. Cette faute doit donc être sanctionnée. En fonction de ses conséquences, mais aussi en fonction de sa gravité intrinsèque. La faute qui a provoqué cet homicide involontaire n'est accompagné d'aucune circonstance aggravante : pas d'alcool, pas d'excès de vitesse bien sûr, pas de délit de fuite. La sanction qui sera prononcée ne peut pas ne pas tenir compte de cette absence de circonstances aggravantes
Me Halvoet la rappela : même si les juges sont souverains dans leurs décisions, ils ne peuvent pas ne pas tenir compte du code, ni faire totalement abstraction de la jurisprudence.
Mme le procureur avait requis contre M. de Champeaux 18 mois de prison avec sursis, une amende de 60 000 euros et une 'annulation du permis pour cinq ans'. Formule raccourcie qui signifie : annulation du permis avec interdiction de le repasser avant cinq ans.
Me Halvoet apprit aux personnes présentes dans l'assistance, et rappela aux juges, que, pour un homicide involontaire sans circonstances aggravantes, l'annulation du permis n'était pas de mise. La suspension oui. La différence est importante puisqu'à l'issue d'une suspension le permis est remis sans examen.
C'est maintenant aux juges, au président Vion et à ses deux assesseurs, de 'peser' ce dossier. Dramatique. Chargé d'une émotion immense. C'est à eux de faire la part du droit et de l'humain. Et de trancher.
Après presque deux heures d'audience (de 16 h 10 à 17 h 50), les juges ont décidé de mettre le jugement en délibéré au lundi 14 janvier.
Nous reviendrons donc sur cette affaire dans notre édition du mardi 15.[/color:f7a0a58387][/b:f7a0a58387]
Plutot une bonne requisition mais pas assez encore pour moi! Surtout quand on voit comment cet homme n'a ni regret ni respect pour la douleur des parent ce Timéo!