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Allaiter Aujourd'hui n°59
Comment fabrique t-on du lait ?
Produire du lait, les seins savent le faire depuis longtemps : beaucoup de nouveau-nés, qu’ils soient fille ou garçon, développent une petite inflammation de leurs glandes mammaires (ou mammite). Il y a sécrétion de lait, appelé « lait de sorcière », que l’on ne cherche pas à exprimer pour ne pas provoquer une infection. Il n’empêche que tout est prêt pour assurer la survie de l’espèce, plus tard…
Dès la grossesse
Chez le petit garçon, les hormones mâles vont empêcher le développement de la glande mammaire. Chez la petite fille, la glande, au repos pendant l’enfance, va commencer à se développer au moment de la puberté et à chaque cycle menstruel. Dès qu’une grossesse commence, les seins se préparent à l’allaitement sous l’influence des hormones (surtout les œstrogènes, la progestérone, l’hormone lactogène placentaire) et du lait commence à se fabriquer à partir du quatrième mois de grossesse. Le placenta freine cette production. Certaines femmes enceintes perdent du lait pendant leur grossesse, d’autres pas. Cela n’a pas de valeur prédictive.
A la naissance, des hormones
Lors de la naissance, l’expulsion du placenta entraîne la chute du taux de progestérone. C’est ce qui déclenche l’arrivée du lait en abondance (la « montée de lait ») vers le troisième jour. Le lait est sécrété continuellement au niveau des alvéoles où il est stocké jusqu’à la tétée. Cette production du lait est régulée par des hormones, principalement la prolactine qui crée un climat hormonal propice à la fabrication du lait et l’ocytocine qui fait travailler les muscles pour faire sortir le lait dans la bouche du bébé. Elle est responsable de la livraison du lait… C’est la succion efficace du mamelon qui fait sécréter ces hormones. S’il n’y a pas cette extraction du lait par le bébé ou par son représentant, le tire-lait, il n’y aura pas production de lait en quantité suffisante pour nourrir le bébé et la glande mammaire va involuer jusqu’à la grossesse suivante.
L’ocytocine est cette hormone qui fait contracter l’utérus lors des contractions utérines au moment de l’accouchement et que l’on injecte parfois en perfusion sous une forme synthétique, le Syntocinon ®. Lors des premiers jours après la naissance, au moment des tétées, son action se fait sentir sur l’utérus dans ce que l’on nomme les « tranchées ». Mais nous en produisons aussi lors des orgasmes ou durant un bon repas ! Le réflexe d’éjection du lait, contrôlé par l’ocytocine, permet le transfert du lait vers le bébé. Il est diminué par le stress, la douleur, les émotions négatives, la consommation d’alcool, de tabac. Par contre, le contact peau à peau après la naissance augmente la libération d’ocytocine, surtout si le bébé avec sa main vient stimuler le mamelon de sa mère.
D’autres hormones, comme l’insuline et les hormones thyroïdiennes, contribuent à l’établissement d’un climat hormonal favorable à l’établissement et l’entretien de la lactation. Cela explique que certaines pathologies comme une hypothyroïdie peuvent affecter la lactation.
Une régulation à l’intérieur du sein
Mais les hormones et les récepteurs sur lesquels elles se fixent ne font pas tout. Il existe à l’intérieur du sein un mécanisme qui régule la production du lait pour répondre à la demande imprévisible de l’enfant, sans produire du lait inutilement si le sevrage est commencé. Ce qui commande le mieux la quantité de lait produite, c’est la fréquence des tétées et leur efficacité, donc la demande de l’enfant en fonction de son âge, de son poids, de son appétit, de son état de santé. Pour que soit produit le lait dont l’enfant a besoin pour bien grossir, il faut qu’il puisse avoir accès librement au sein, qu’il tète efficacement, le temps dont il a besoin, et qu’il vide bien les seins pour qu’ils puissent se remplir à nouveau. Une femme peut donc rapidement augmenter sa production de lait en augmentant la fréquence des tétées et l’efficacité de l’extraction du lait, et faire face ainsi à la demande accrue du bébé les jours de pointe.
La capacité de stockage du lait varie d’une femme à l’autre et peut aller, d’après les études de Peter Hartmann, de 80 à 600 ml ! Chez une même mère, cette capacité peut varier d’un sein à l’autre. Cela n’a rien à voir avec la capacité à produire assez de lait pour le bébé, simplement cela influe sur le nombre de tétées. En effet, les mères dont les capacités de stockage mammaire sont faibles ont besoin de donner le sein plus souvent. Certaines mères ont un fonctionnement de leur lactation qui ne leur permet pas de s’adapter à des horaires rigides ou à un faible nombre de tétées. Cela dépend aussi du bébé : certains aiment les gros repas, d’autres veulent de petits repas fréquents. Il n’y a en tout cas aucun avantage démontré à réduire le nombre et la durée des tétées, ni à fixer un intervalle minimum entre deux tétées (ANAES 2002). L’enfant doit pouvoir téter sans restriction. Il ne suffit pas que le bébé soit au sein, mais bien qu’il tète.
Les premières semaines sont capitales pour calibrer la production de lait, que ce soit le bébé qui tète ou que la lactation soit lancée au tire-lait en cas de séparation, pour prématurité par exemple. Si la prise de poids est très satisfaisante à l’âge de 1 mois, c’est que la production de lait s’est bien adaptée aux besoins du bébé. Il a bien fait son travail de stimulation de la lactation. A partir de l’âge de 1 mois et jusqu’à environ 6 mois, le volume de lait consommé est à peu près constant. La production de lait de la mère varie peu et se situe entre 700 à 800 ml/j en moyenne, sachant qu’il y a de grandes variations d’une mère à l’autre.
Un lait digeste et toujours nourrissant
Il n’y a pas de lait maternel qui ne soit pas nourrissant. La composition du lait varie au cours de la tétée, la teneur en graisses augmentant à fur et à mesure de l’extraction du lait. Le lait de début de tétée sert plus à étancher une petite soif, mais au fur et à mesure que le sein est bien vidé, la concentration en graisses augmente. Si un nourrisson allaité ne prend pas de poids, ce n’est pas à cause de la qualité du lait, toujours bonne pour lui, mais de la quantité de lait qui passe de la mère à son enfant. Il ne faut pas confondre « nourrissant » – qui permet à l’enfant de se nourrir et donc de grossir – et « très digeste », ce qu’est le lait maternel et qui explique les tétées fréquentes, souvent entre 8 et 12 par 24 heures, des petits mammifères humains. Nos bébés ne sont pas comme les lapereaux qui se nourrissent très bien avec une tétée par jour de quelques minutes…
Etre rassurée sur ce que boit le bébé
Les bébés arrivent sans mode d’emploi, et un bon nombre de futures mamans, pensant que l’allaitement est naturel, n’ont pas estimé nécessaire de s’y préparer, ce en quoi elles ont tort. C’est un art qui s’apprend. Etre motivée ne suffit pas, soutien compétent et informations sont nécessaires. Les seins n’étant pas transparents et gradués, il faut néanmoins s’assurer que le bébé boit assez de lait. En quittant la maternité, trois critères très objectifs peuvent rassurer ou inquiéter et conduire à rechercher de l’aide à temps : un bébé qui boit, qui « entre » suffisamment de lait, va éliminer, « sortir » suffisamment d’urines et de selles. Les premières quatre à six semaines de vie, la maman doit donc trouver cinq à six couches bien mouillées, bien lourdes d’urine par 24 heures, et au moins trois couches souillées de selles en quantité par 24 h. Et le bébé doit regrossir : une bonne moyenne est de retenir qu’il grossit d’environ 1 g par heure… Moins que cela, il faut re-vérifier la conduite de l’allaitement pour s’assurer que rien n’est alarmant. Plus, tout va très bien et l’allaitement pourra durer le temps que la maman, le papa et le bébé le désirent.
Marie Courdent
Animatrice LLL - Puéricultrice - Consultante en lactation - Formatrice en allaitement LLLFF
Bibliographie :
Les Dossiers de l’Allaitement n° 54, janvier 2003, pages 10-15.
Stagnation pondérale chez le nourrisson allaité , Dr G. Gremmo- Feger, L’Envol, 10 avril 2003.
ANAES, Recommandations sur la mise en œuvre et la poursuite de l’allaitement dans les 6 premiers mois de vie de l’enfant, mai 2002
www.lllfrance.org
Peut être reproduit, imprimé ou diffusé à condition de mentionner la provenance de cet article.
Publié dans Allaiter Aujourd'hui n° 59, LLL France 2004n
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