Bonjour à toutes,
Je viens mettre mon post à jour, afin de donner des nouvelles à toutes celles qui ont bien voulu me répondre quand j'étais dans le besoin, et les remercier.
Papa et moi nous fréquentons depuis 10 ans. Il y a 3 ans nous décidons de mettre bb 1 en route. J'arrête la pilule. Désireuse de faire ça naturellement, j'attends encore et toujours avant de consulter, car je tiens à une conception "classique". Mais rien n'y fait, en mars 2007 je consulte, on met en route des examens, on ne trouve rien sauf que mes cycles sont longs (je ne sais plus comment ils appellent ça) et résultat l'ovulation varie entre le 10ème et le 30ème jour (sur des cycles de 45 à 50 jours)
Je prends RDV pour analyses et complémentaire et entre temps, en désespoir de cause je fais un test et là surprise +++.
Enfin bref, enceinte, joie suprême, bonheur ultime, prise de sang pour bhcg et 1ère écho le 08 juin, je serais enceinte depuis le 17 ou 18 avril. Tout va bien, papa et moi nous offrons une semaine de vacances dans le jura. En rentrant, j'annonce à mon chef que je suis enceinte.
Juillet : mon chef découvre qu'il est allergique aux femmes enceinte (pas de bol). Echo de controle chez gygy, tout va bien : formation coeur nickel. Papa et moi partons 2 semaines en vacances en Normandie et Bretagne.
Août : mon patron me met la pression, me met un avertissement que je conteste. Je fais une amniocentèse car population à risque du côté de papa. Fin du mois, ma belle mère tombe dans un coma diabétique.
Septembre : Papa fait souvent l'aller-retour entre chez nous et l'hopital où se trouve sa maman ( à 100 km). Il lui laisse une écho de bb et le premier body que l'on lui avait acheté. A 25 SA, visite chez gygy, qui m'accueille tout guilleret comme à son habitude, m'annonce tout de suite que le cariotype n'a rien révélé sauf le sexe de bb, et nous annonce une petite fille (alors que le jour de l'amnio le gygy de garde nous avait annoncé un garçon, mais c'est parce que la filousse avait mis sa main entre ses cuisses Laughing . Il enchaîne, les blagounettes usuelles, " si vous voulez bien me suivre nous avons RDV avec une merveille" et moi "OK j'adore les merveilles", et lui "attention la bascule". JE m'installe et regarde le monito droit devant : je vois mon trésor, regarde la cacahuète qui bat, le dessin des bras, le profil des cuisses, elle joue, nage dans le liquide amniotique ... Gygy lui demande de bien vouloir s'arrêter de manière à prendre les mesures. Tout à coup je me rends compte que gygy ne rigole plus. D'ailleurs il ne dit plus rien. Je le regarde et il a les sourcils froncés. Je regarde papa qui me lance le même regard. Papa demande au gygy "quelquechose ne va pas?"
"Attendez, laissez moi calculer", lui répond le gygy sur un ton qui ne demande pas de réponse. Lorsqu'il reprend la parole, gygy affiche un sourire plein visage, mais moi qui le connaît depuis longtemps je sais que c'est un sourire jaune.
"Bon c'est un tout petit bb", selon mes calculs il pèse 420 g et mesure à peu près 23 ou 24 cm. Je vais vous prendre RDV à Lille, ils ont des appareils beaucoup plus sophistiqués et leur service obstétrical est le meilleur de France. (c'est sensé me rassurer). Vous avez des notchs sur les artères utérines, elles ne sont pas bien larges, le sang n'arrive pas ou peu jusqu'au bb.
Papa lui demande "elle devrait faire combien ?"
- Le double
- Comment faire pour la faire grossir ?
- Il n'y a pas de remède, si le sang n'arrive pas jusqu'au foetus ...
- Que va t il se passer alors
- On va déjà faire valider les chiffres par Lille et ensuite on verra bien. Si le bb est en souffrance on le libérera, le pb c'est qu'il ne sera viable qu'à partir de 27 SA pour un poids 700g. En decà, je ne promets rien.
Moi je ne participe pas à cette conversation, mes oreilles se sont arrêtées d'entendre après "c'est un tout petit bb"
La semaine suivante le gygy de Lille confirme les mesures et me donne 15 jours pour faire prendre 200g à la puce. Je demande comment faire, dois je manger plus, il me répond ca ne sert à rien, si la nourriture n'arrive pas jusqu'à bb. La petite doit donc (déjà) se battre et tirer de toutes ses petites forces sur je ne sais quoi pour s'alimenter.
Fin septembre : ma grand mère décède des suites d'un cancer qui la ronge depuis 3 ans.
Octobre : Le 3 j'enterre ma grand-mère. Le 10 nouvelle écho à Lille : bb n'a pris que 120g, et moi j'ai pris 15 kg dont 11 d'eau. Lille prend RDV avec Calais le 17 pour me prendre en charge la semaine suivante pour "mise sous surveillance du foetus". Corticoide le samedi matin pour maturation des poumons.
Le 15, notre nièce de 9 ans décède (j'en parlerai un autre jour). Le 17 nous avons RDV à 15h00, nous partons à 12h30, papa a décidé de m'emmener au resto "il faut au moins ca, tu ne sais pas quand tu sortiras".
Arrivée à 14h15, nous anticipons, nous présentons à la maternité, une sage femme stagiaire nous prend en charge, me met sous monito, et n'arrête pas de se plaindre pendant près d'une heure et demie, qu'elle a du mal a entendre les battements du coeur. Papa contrôle ses nerfs et lui dit "si vous n'y arrivez pas pourquoi ne pas aller chercher quelqu'un de plus compétent?
Ce qu'elle fait. Une sage infirmière arrive, prend sa place à du mal à entendre le coeur se tourne vers la stagiaire et lui dit appelle le gynécologue de garde et dit de venir immédiatement. Ah oui j'oubliais pour la première fois on me prend la tension 16.9. Une demie heure plus tard le gygy arrive, lui aussi fait les mêmes constatations que les nénettes, papa tourne comme un lion en cage, la tension monte (et pas que la mienne), le gygy entraîne les 2 filles dans la pièce voisine. Elles prennent un pipot parce que le message aurait du être plus clair, il aurait du être avertit aussitôt.
Lorsqu'ils reviennent. Le gygy me demande si on a fait les corticoide je confirme, puis me sourit pose sa main sur mon front et me dit, ne vous inquiétez pas tout va bien se passer, vous allez suivre ces dames, elles vont vous préparer"
- Me préparer à quoi (oui je sais avec le recul c'était pas bien malin j'aurai pu m'en douter)
- On va vous césariser. Le temps de prévenir un pédiatre et de préparer la salle.
Je le regarde droit dans les yeux et ne dit rien, papa souris. Nous avons assisté aux mêmes visites chez les gygy, il était là à chaque fois. Mais quand j'entendais, ce sera dur, il entendait il y a des chances.
Ca se passe tellement vite, dans la salle, je suis déshabillée, rhabillée papa se moque en disant que ca se passe comme dans les séries, ca va vite, chacun à sa place, avec un peu de chance, George Clooney va arriver pour s'occuper de notre petite. Je n'arrive même pas à sourire (en plus j'ai juste eu le temps de m'épiler les jambes, j'avais le nécessaire pour faire le maillot à l'hopital). J'arrive dans sur table d'opération, je tremble comme une feuille "il fait froid chez vous".
- ne vous inquiétez pas dans deux minutes vous ne sentirez plus rien.
On me pose la rachy. Effectivement en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je n'ai plus froid et j'ai l'impression de mon corps n'a plus de force, je me sens comme une baleine échouée sur la plage.
- Est ce que le pédiatre est là
- Il arrive dans 2 minutes, tension à 20.11 et ne diminue pas même sous traitement
- Rajoutez (je ne sais combien ni quoi)
Le pédiatre est là, mais maintenant il faut attendre que la tension baisse. J'entends 19.11
- Tant pis on y va
- 18h45 : incision
Personne ne me parle, personne ne m'explique, je ne pleure toujours pas. 6 mois d'aménorhée, ça fait 5 mois et demi de grossesse, je n'ai pas eu le temps de faire de cours de préparation à l'accouchement, je suis perdue, en plus biensûr papa est dans la salle dans face, il n'a pas le droit d'y assister.
Je ne sens rien
- 18h47 extraction
OK t'avais rien d'autre dans ton dictionnaire qu"extraction". Comme si on retirait un gros diamant du fin fond d'une mine. Bon en même temps, on est pas loin de la vérité en disant ça.
Le silence. Quand je réalise je panique. Le bb n'a pas pleuré. On ne me dit toujours rien, mais je sens le gygy à son affaire, on tire, on arrache, on nettoie, je voudrais pas voir le sang qu'il doit y avoir derrière le champs stérile.
19h20 : Une femme aux yeux pétillants derrière un masque me dit,
- Bonjour je suis le pédiatre Jenesaiplussonnom qui a pris en charge votre petite fille, elle va bien nous l'avons réanimé mise sous oxygène dans une couveuse . Elle pèse 560 g et mesure 28 cm. Elle est dans le couloir, voulez vous la voir ?
(T'en as de ces questions biensûr que je veux)
La couveuse approche, elle est plus haute que ma table, je ne vois rien. La pédiatre ouvre les portes, prend le bébé dans ses mains (ouf il faut quand même 2 mains pour la porter (je sais c'est nul mais là encore ça m'est venu tout seul sur le moment).
Evidemment elle est rachytique. Seuls ses muscles sont dessinés. Il n'y a pas un g de graisse. Ses membres sont tout maigres, mais son ventre est tout tendu, ses lèvres ressemblent aux lèvres botoxées de Pamela Anderson, son visage à l'air de plastique. Elle était en souffrance. Elle a été ré-animée. Elle me fait l'effet d'une caille farcie, d'un oiseau tombé du nid.
Le pédiatre met le bb sous mon nez pour que je sente son odeur puis la depose entre mes seins, je donne plein de bisous car je ne sais dans combien de temps je la reverrai. Il est l'heure, elle est si fragile, qu'elle ne peut se permettre de rester trop longtemps hors de la couveuse.
Trop tôt elle part à la néonat. Je retrouve papa qui me couvre de baisers et de "ne t'inquiète pas j'ai un bon feelling à propos de notre fille. Et puis le pédiatre c'est pas George Clooney, mais elle a l'air très bien aussi.
Papa s'en va vers 22h00, après que j'ai demandé de l'aide pour dormir, car il était hors de question que je passe la nuit à ruminer.
Le lendemain, je me reveille dans une chambre, seule. Pas de voisine, pas de bb. Je me dit c'est sympa ici, et puis ils ont les moyens pour mettre une mère par chambre.
Le ballet des médecins commencent :
L'anesthésiste et le gygy qui m'ont opéré, regardent la cicatrice, pas de nausées ? Tout se passe bien ? Parfait ! nous avons donc bien travaillé (sous entendu).
Le Directeur de Service Gynéco qui m'explique qu'un néphrologue doit venir me voir, car beaucoup de protéinurée, mes reins en ont pris un coup, qu'à 24h on perdait bb, à 48h on perdait maman.
Les infirmières, une sage femme, les aides soignantes, les internes et le pompom, un interne, qui ouvre ma porte sans frapper, pas de bonjour rien, et qui me dit "C'est vous la préclampsie sévère"
- Non moi c'est Mélanie C*****
ll repart et revient quelques minutes plus tard, bonjour MAdame, vous avez donc été ect patati patata, bref ...
11h30 papa arrive le sourire aux lèvres, comme une fleur, et là je m'effondre :
- t'étais où? Bouhouhouhou
- C'est pas ma faute les visites c'est pas avant 11h30 même pour les papas.
Je sèche mes larmes
Il passe la journée à monter pour voir sa fille et descendre pour voir maman.
Le soir, à 21h30, quand papa est parti, je suis fatiguée, j'éteins la TV et ferme les yeux.
Dans le couloir, j'entends des pas, des conversations et ... des bébés qui pleurent.
C'est donc pour cela que je suis seule dans cette chambre?
Pour m'éviter le chagrin.
Mais le chagrin est là.
Il part de la cicatrice, remonte lentement dans les intestins, stagne et forme une boule au niveau de la poitrine, passe avec difficultés dans la gorge je manque de m'étouffer, puis arrive à mes yeux qui pleurent, il ne s'arrêteront pas avant le lendemain matin, et les calmants n'y feront rien.
Je décide d'ouvrir un carnet de bord à compter de la naissance d'Illyana j'écrivais tous les soirs pendant 2 mois. Heureusement car aujourd'hui je ne me souviendrai plus de certains détails.
Ma belle mère est décédée le 15 novembre.
Je resterai 10 jours à l'hopital.
Illyana y passera 3 mois.
Aujourd'hui, mardi 11 mars 2008, Illyana pèse 3,900kg. J'ai rendu le pèse bb ce matin. Je suis rassurée quant à son état de santé : aucune malformation, aucune pathologie, nous verrons les éventuelles séquelles comportementales au fur et à mesure dans les 5 premières années de sa vie. Mais j'ai bon espoir, car je me dis que le pire est derrière nous.
Merci encore à toutes celles qui nous avaient suivies, conseillée et dorlottées.
Bizzzzzzz