Accrochez-vous, c'est un roman !
Voilà, tu es né.
Petit corps tout chaud déposé entre mes cuisses par ton père. Tu as 11 jours aujourd’hui et je n’en reviens toujours pas.
Je l’ai rêvée, imaginée, ta naissance ! J’attendais une fille, tu es un garçon !
Aucune déception. La douleur de l’enfantement a cessé. D’un coup. Je t’entends crier, tu es derrière moi puisque j’ai accouché à quatre pattes. La voix de ton père tremblante d’émotion « Oh regarde !!! » Je te regarde. Je ne t’ai pas regardé tout de suite car je soufflais après ce long travail. Tu es là, tout beau, tout propre, avec un beau cordon et tu cries ! Tu cries si bien mon amour ! Je savais que tu allais bien ! Je te prends dans mes bras mais ton cordon est trop court alors je dois rester à genoux. J’aurais voulu qu’on attende que ton cordon cesse de battre pour le couper mais je ne peux pas m’assoir. J’ai les pieds bleus ! Je tiens ton cordon entre mes doigts, c’est une première pour moi et j’aide le médecin à le clamper en tenant les ciseaux. Toi, tu tètes déjà ! C’est ton père qui a coupé ce fil qui te relie encore à moi. Tu cries toujours, je te serre contre moi et je m’étends dans nos doux draps. Tu tètes bien, tu as d’ailleurs trouvé le sein tout de suite et tu tète déjà efficacement au grand étonnement du Dr C. !
Mon Amour ! Comme c’est bon de sentir ton corps si petit et si chaud, ta peau si douce ! Tu resteras ainsi, nu, peau à peau contre moi jusqu’en fin de matinée.
Cette naissance à la maison nous l’avions préparée depuis plusieurs mois, bien avant que tu sois conçu. Nous en avions discuté avec ton papa et il était de mon avis : si nous avions encore un enfant, il n’était pas question qu’il naisse autrement que dans notre foyer. Nous ne voulions pas que tu sois brusqué, examiné sous toutes tes coutures dans une pièce trop éclairée. Nous aurions pu choisir que tu naisses comme ton frère à la maison de naissance mais nous souhaitions passer à autre chose, j’avais besoin aussi de me prouver que je pouvais accoucher seule, en tout cas sans la sécurité relative de la structure hospitalière et je ne voulais pas mettre tes frères à l’écart.
Quand nous avons su que ta vie palpitait en moi, nous avons cherché la sage femme qui nous accompagnerait quand le temps serait venu de te mettre au monde.
Nous avons rencontré P., une écossaise, qui avait une vision très idéalisée de la grossesse. J’attendais chaque visite avec impatience. Elle me posait des tas de questions sur mon ressenti et m’a aidé à déculpabiliser à propos du décollement placentaire que j’avais eu pour Berën. J’avais très peur de te perdre ! Peur d’un nouveau décollement ! Elle a insisté pour que nous fassions ta déclaration de grossesse avant même les 12 semaines légales pour te donner l’importance que tu méritais et te donner envie de continuer en mon sein !
Nous n’avons hélas ! pas pu poursuivre avec P., ses honoraires étant trop élevés pour nous.
Retour donc à la case départ. J’en ai passé des coups de fils avant de faire la connaissance de C. ! A peine à 30 minutes de chez nous et qui de surcroît travaille également à la Maison de Naissance. Nous avons immédiatement eu confiance en C.. Malheureusement, il fallait que nous trouvions une « solution de dépannage » vu qu’elle souhaitait partir quelques jours en vacances du 28 décembre au 02 janvier. C’est elle qui nous a donné les coordonnées du médecin qui nous a accompagnés finalement.
Un jour, en discutant sur un forum, j’ai fait la connaissance de B.. Elle préparait son diplôme de doula et elle me proposa de nous accompagner bénévolement pendant cette grossesse et lors de ta naissance.
J’avais décidé d’écouter mon ressenti, de faire confiance à mon corps. De te faire confiance. Je savais que si quelque chose n’allait pas tu me le ferais savoir !
Ton père était inquiet de me voir travailler autant et ne pas me ménager mais même si j’étais très fatiguée, je me sentais capable de faire toute ces choses.
J’ai refusé de faire la plupart des examens habituels. Pas de O’ Sullivan, cet affreux test ou on nous fait ingurgiter du glucose à jeun. Pas de prise de sang mensuelle, un seul test urinaire, une prise de sang seulement en début de grossesse et une autre à la fin (pour l’anesthésiste, oui, j’ai dû le rencontrer « au cas où »), et le dépistage du strepo B (que je savais déjà positif puisqu’il l’était pour Berën). Un seul toucher vaginal environ un mois avant ta naissance car j’avais la sensation que mon col s’était modifié.
La préparation s’est faite avec B.. Nous discutions pendant des heures, c’est elle qui m’a appris le chant prénatal qui m’a si bien aidé ensuite !
J’avais des contractions de plus en plus douloureuses depuis 24h, ce 31 décembre. Nous avions prévu un petit réveillon rien que tous les deux, ton papa et moi. Nous sommes allés faire quelques courses. Je savais que c’était la dernière fois que je sortais en courses avant ta naissance. Je dis à Seb que je ne veux pas accoucher maintenant, qu’il faut que le bébé attende le retour de C.! Il peut arriver le 02 au soir mais pas avant !
Un peu plus tard nous sommes allés chez tes grands-parents paternels emprunter leur service à fondue. Ils auraient voulus que nous restions pour l’apéro, mais avec des contractions de plus en plus fortes, j’étais pressée de rentrer !
Nous avons peu mangé : je n’avais pas d’appétit. Nous nous sommes couchés vers 23h.
A minuit, je suis réveillée par les gens dans la rue, les klaxons et les « bonne année ». Je ne me rendors pas car survient une contraction différente, plus « profonde ». Les heures passent. Je sens que ça contracte de plus en plus, toutes les 10/15 minutes, puis 5 minutes. Il est 4h30 du matin, je vais aux toilettes et en me recouchant, je réveille Seb. Je lui annonce que je pense que le travail a commencé. J’essaie de dormir un peu mais je me réveille à chaque contraction et Seb va me couler un bain. Il est 6h30 quand je lui demande de prévenir B. et le Dr C. mais il ne parvient à les avoir que vers 7h. J’ai peur que Berën se réveille, je voudrais que B. soit là !
Je te parle, mon bébé ! Je te dis que tu vas naître, que tu as beaucoup de chance car tu as le papa le plus extraordinaire qu’un bébé puisse rêver et deux frères merveilleux, que je t’aime et que je ferais tout pour te rendre heureux ! Je pense aussi à Mamie Odette, je lui parle, lui dit comme j’aurais aimé qu’elle soit encore là et je la sens sur mon épaule.
B. arrive vers 7h30, suivie de prés par le médecin. Je suis toujours dans le bain. B. m’aide à respirer et me fais repartir sur mes sons. Je dois sortir du bain pour que le médecin examine mon col.
Je souffre depuis des heures et je ne suis qu’à 5 cm ! Je me sens un peu dépitée, je pensais être au moins à 7 cm !
Berën se réveille vers 8h. Seb le lève, lui fait son chocolat et B. décide de rester avec lui.
Le docteur est reparti : il repassera plus tard.
Je suis seule avec Seb dans la chambre, sur le ballon. Je bouge à chaque contraction.
Mon homme a déjà installé les alèses et la bâche au sol.
A chaque contraction, je m’accroche à son cou. C’est bon d’être seuls.
Peu de temps auparavant j’ai l’impression que j’ai une fissure haute de la poche, nous appelons le médecin et je prends un comprimé de Dalacine en prévention à cause du strepto B et le médecin dit à Seb qu’il arrive bientôt.
Je vais sur le lit pour changer de position. Je me mets à quatre pattes, accroupie, je m’assois. Je crois que j’ai dû tester toutes les postures ! Je suis bien, à quatre pattes ou accroupie, la tête sur les quatre oreillers. Seb me parle, m’embrasse, me masse, me caresse. De temps en temps il monte voir Berën et B. prend le relai. Elle me dit « Berën est comme un lion en cage, il ne comprend pas, il faudrait l’éloigner un peu ».
J’en parle à Seb qui hésite un peu avant d’appeler ses parents qui arrivent peu après le retour du médecin. Je ne sais pas quelle heure il était alors, nous avions perdu toute notion du temps. Il était peut-être aux alentours de 10h.
Nouvel examen, mon col a à peine bougé d’un cm. Je me demande ce qui se passe !
Pourquoi mon bébé ne veut pas sortir ? Je crois revivre la naissance de ton frère avec ce long travail de 22h avant sa naissance.
Je retourne dans le bain. C’est là que je me sens mieux. Et puis, c’est drôle mais mes contractions s’espacent chaque fois que le docteur rentre dans la chambre ! Il est très gentil, mais il me déconcentre, il entame une conversation avec B. juste au pied du lit.
Et puis ça m’importune quand il vient m’examiner ou écouter ton cœur, mon bébé, je sens que tu vas bien ! Tu bouges bien même pendant les contractions et quand il appuie sur mon ventre avec son stéthoscope pendant que je contracte, ça fait mal ! Je ne supporte pas non plus qu’on s’asseye sur le lit, ça bouge et ça me fait mal ! B. le voit et le dit à Seb.
Quand je suis dans le bain, je suis plus tranquille et je gère bien mieux. Les contractions sont plus profondes encore, plus fréquentes, toutes les 1m30. Le Dr C. est reparti. Seb le rappelle « elle contracte toutes les 1m30 pile ! ». Le médecin va se remettre en route. Je pleure, je pense à mamie Odette. C’est elle qui m’accompagne depuis le début du travail, je la sens prés de moi, je pense à elle si fort ! Je pense aussi à toutes ces femmes qui accouchent depuis la nuit des temps.
Je sors du bain, je n’ai pas envie qu’il m’examine ! Je préfère ne pas savoir que d’être déçue !
Et puis comme tout à l’heure, les contractions s’espacent à nouveau à l’arrivée du docteur. C’est sa présence qui m’empêche de lâcher prise. Je pleure dans les bras de Seb. Je dis que je ne vais pas y arriver, que c’est trop dur, que je ne vais jamais accoucher.
Seb me dit que c’est pour bientôt, que quand j’ai mis Berën au monde il est sorti peu de temps après que je commence à désespérer.
Mais moi je sens que tu ne viens pas ! Je pense que tu ne veux pas me voir car j’ai eu tant de doutes pendant ma grossesse ! J’en parle à mon Seb qui me rassure, me serre dans ses bras, me dit que je suis forte et qu’il est fier !
Le médecin m’examine : ça avance, mais j’en ai encore pour un moment !
Il repart peu après. Je vais dans la salle avec Seb et B., je me mets sur le canapé et à chaque contraction, je m’accroche à la barre. Là, j’ai très mal, je vais aux toilettes et je n’arrive plus à me relever ni ensuite à descendre les escaliers. Je n’ai toujours pas lâché prise, je demande à Seb de donner à manger à la tortue !
Je ne sais pas quelle heure il est. Il est tard sans doute. Est-ce que mon bébé va naître ce 01 janvier ? Je ne pense pas, de toute façon, je ne pense plus, j’ai trop mal, je veux juste que cela cesse !
A chaque contraction, je chante (en fait ce sont des sons graves qui résonnent dans ma cage thoracique et qui me soulagent).
Je retourne dans le bain. Le Dr C. est revenu et Seb et B. insistent pour que je sorte mais moi je ne veux pas ! La tête posée sur le bord de la baignoire, j’ai l’impression que mes sons résonnent mieux et me soulagent plus qu’en dehors du bain. Je dispute Seb qui veut absolument que je change de position « fiche-moi la paix, j’en ai marre que tu me dises tout le temps ce que je dois faire ». Le pauvre ! Je le fais pleurer et je m’excuse aussitôt. Je sais qu’il est impatient de tenir son bébé et qu’il souffre de me voir ainsi, que s’il pouvait il prendrait ma douleur.
Je sors du bain, et c’était la dernière fois !
Berën est rentré et couché. J’ai un peu peur de le réveiller mais apparemment il dort bien.
Par moment, je sens que ça pousse mais ce n’est pas comme pour Berën, alors je ne sais pas trop. Je ne veux toujours pas d’examen mais je finis par céder, je sens que le médecin commence à stresser. J’ai pris un peu d’homéopathie que m’avait donné P., ma première sage femme et aussi des granules qu’Isabelle ma Sage femme pour Berën m’avait donné le jour de mon accouchement.
Je passe du ballon au lit. « Bon d’accord, tu peux dire à C.qu’il peut venir ».
Il me dit que je suis à dilatation complète ! Je n’y crois plus ! « Je sens même ses cheveux, la poche est bombée, je pourrais la percer »
Moi : « non, non, surtout pas ! ».
Il me demande si ça pousse, « bah oui, part moment mais c’est bizarre, pour Berën ça poussait tout seul et paf il est sorti ! »
Seb me dit de pousser pendant les contractions pour voir. Eh ! C’est que ça soulage en fait ! Ça fait moins mal du coup ! Alors je pousse même en dehors des contractions. Le docteur a voulu que je reste sur le dos mais moi je ne veux pas, ça fait trop mal comme ça ! Il me dit « mais pourtant, c’est plus pratique », oui, pour lui, sûrement ! Après avec B. nous aurons la même remarque : on voit bien qu’il n’a jamais accouché, lui !
Je me mets sur le côté car je ne peux pas me lever et je n’en ai pas envie. Mais je sens que ça coince ! Je vais à 4 pattes mais j’ai une douleur comme un point de côté alors je me remets vite dans ma posture initiale. B. soulève ma jambe gauche, je pousse sans arrêt, je sens que je m’épuise, j’en ai marre, je veux que tu sortes ! Le médecin écoute ton cœur : tu vas bien mais ça, je le sais.
Maintenant il appuie sur mon périnée, je lui dis d’arrêter, ça fait super mal ! Je ne veux plus qu’on me touche ! Je veux juste Seb !
Le docteur lui suggère d’aller prendre un peu l’air car il à l’air épuisé. Non ! Moi je ne veux pas ! Je veux qu’il reste ! J’ai besoin qu’il m’aide à repartir sur mes sons en chantant avec moi. Ça me soulage ! Il prend ma main, la serre et me dit qu’il faut que je retrouve cette force qui m’animait juste avant la naissance de Berën, que je n’ai pas cette lueur dans les yeux que j’avais alors.
Je comprends ce qu’il veut dire. Alors je la puise en lui, cette force que je n’ai plus. Je suis crevée, cela fait plusieurs heures que j’arrive par moment à m’assoupir entre les contractions. Je ne sais même pas quelle heure il est. J’ai l’impression que ça n’en finira jamais. Et puis je ne sais même plus d’ailleurs ce que je fais là. Je regarde les yeux de mon Amour, ces mêmes yeux qui ont accueilli Berën le jour de sa naissance, ce regard empreint de force, d’amour et de confiance. Je ne veux pas le décevoir. Allez, il faut qu’il sorte ! Que tu sortes, mon bébé, je suis avec toi, je suis là pour toi, je t’accompagne.
D’un coup je me redresse et me mets à quatre pattes et là je pousse et oh ! Je sens qu’il se passe quelque chose ! Il y avait un « truc » qui coinçait dans mon sacrum à chaque poussée quand j’étais sur le côté et là je sens que « ça sort ». B. est couchée prés de moi « c’est très bien ce que tu fais ! Continue ». Seb est prés de moi, il me communique sa force.
Je sens une boule dans mon vagin ! Oh, ça brûle ! Je crie ! Je n’ai plus peur de réveiller Berën.
Je me dis que plus je vais pousser et plus vite s’en sera terminé de cette douleur qui me broie.
Oui, je me sens broyée de l’intérieur, Mais je n’arrive pas à pousser tout de suite, ça fait trop mal !
Je me souviens de la naissance de mon Berën et là je pousse de toutes mes forces ! Je sens que ça avance ! Mais pourquoi il ne sort pas ! Le médecin regarde s’il n’y a pas de procidence du cordon. Non, c’est bon.
Je pousse encore et encore de toutes mes forces (il m’en reste ?). Seb est derrière moi, mon homme, mon Amour, il voit la tête ! Le médecin dégage l’épaule.
Je pousse encore et je sens d’un coup un immense soulagement.
Tu es né Pellinor. Ton papa t’a attrapé au vol.
Nous sommes le 02 janvier et il est 4h45.
Depuis, je te regarde dormir, je te hume. Je me sens animal, mère chatte avec toi comme je l’ai été déjà deux fois auparavant. Entre nous existe une communication inconsciente. Notre aventure a commencé bien avant ta naissance. Il y a eu des hauts et des bas, des doutes parfois mais cela fait partie de notre histoire et je crois que c’est ce qui a forgé notre amour et ce lien.
Pendant que tu tétais si bien, le médecin a aidé ton placenta à descendre. J’aurais souhaité que l’on attende qu’il se décolle seul mais mon col se refermait déjà.
Seb a écouté avec intérêt toutes les explications à propose du placenta, l’a examiné avec le docteur. Il était petit.
Nous l’avons mis au congélateur et quand les beaux jours seront là nous iront le planter en Brocéliande dans la forêt, sous le plus bel arbre afin que les fées te protègent, mon petit Roi Pellinor !